Il n’est pas rare d’allaiter son aîné et de découvrir une grossesse. La question se pose alors : est-il possible de continuer d’allaiter durant sa grossesse ? Voici un article qui répondra à vos interrogations et dans lequel je vous partagerai mon expérience personnelle.

Les 3 croyances sur l’allaitement en étant enceinte

Allaiter pendant la grossesse, c’est impossible !

La plupart des couples qui désirent un autre enfant vont penser à l’arrêt de l’allaitement avant que maman soit enceinte. Et ce, pour diverses raisons :

1/ L’arrêt de l’allaitement favorisera le retour de couches, le retour des cycles menstruels et donc la possibilité de tomber enceinte. D’une manière générale, le retour de couches est différé en cas d’allaitement. La durée est propre à chacune. Il est vrai que l’allaitement est un moyen de contraceptif fiable à 98% dans la mesure où la méthode MAMA est respectée.

Si le souhait du couple est d’avoir un enfant rapidement et qu’il souhaite maintenir l’allaitement de l’aîné, il faudra envisager :

  • Un allaitement mixte (si bébé a moins de 6 mois)
  • Attendre quelques mois pour débuter la diversification de l’enfant (ne pas hésiter à en discuter avec une consultante en lactation et/ou le pédiatre)
  • Un accompagnement dédié avec des professionnels de santé. La consultante en lactation est pour moi la plus qualifiée pour vous accompagner dans cette démarche. Il vous est possible également de solliciter votre médecin généraliste, sage-femme, pédiatre, …

2/ Une méconnaissance. La personne ne sait tout simplement pas qu’il est possible d’allaiter son bambin en étant enceinte. Aucun exemple dans son entourage. Ça ne lui vient même pas à l’esprit. Il est donc important de montrer que c’est possible, d’en parler autour de nous afin d’informer et de sensibiliser à cette possibilité.

3/ Les réfractaires ou les personnes ayant beaucoup de clichés sur le sujet. « C’est galère », « C’est fatiguant », « On ne peut pas nourrir 2 enfants à la fois », « C’est moche », « Y’aura pas assez de lait », … Malheureusement, les « on-dit » sont véhiculés à la vitesse de la lumière et les mauvaises expériences que l’on peut entendre ne peuvent être prises pour argent comptant. Chaque trio maman-bébé-fœtus est différent. Il est donc important (à mon sens) d’essayer et de se faire sa propre expérience.

 

Allaiter pendant la grossesse augmente le risque de fausse couche

Quelques études ont été menées en Iran1, en Irak2 et au Japon3 et aucune d’entre elle ne montre de corrélation entre la fausse couche et l’allaitement d’un aîné. Malgré cela nombreux encore sont les professionnels de santé qui préconisent l’arrêt de l’allaitement dès la découverte d’une grossesse. Leur SUPER argument : l’OCYTOCINE. Vous savez cette hormone appelée aussi hormone de l’amour !

OcytocineL’ocytocine est effectivement à son apogée le jour de l’accouchement mais cette hormone est moins importante au cours de l’allaitement. Tant que notre corps n’est pas arrivé au bout de la grossesse, l’ocytocine ne déclenchera pas l’accouchement4.

Allaiter pendant la grossesse affecte la croissance du fœtus

Une fois de plus, une étude faite au Guatemala5 montre que la poursuite de l’allaitement d’un aîné durant la grossesse n’affecte pas la croissance du fœtus. Il est toutefois nécessaire de rappeler l’importance pour la maman de maintenir un apport calorique suffisant, de garder une alimentation équilibrée et une bonne hydratation. Comme je l’entends très souvent auprès du corps médical : « Ne pas manger 3 fois plus mais 3 fois mieux ».

L’Organisation Mondiale de la Santé déclare à ce sujet : « il est certainement préférable d’améliorer le régime de la mère avec des aliments facilement disponibles que d’interrompre l’allaitement à cause d’une nouvelle grossesse, surtout les endroits où l’on n’est pas assuré de trouver des aliments de sevrage appropriés »6.

 

3 faits sur l’allaitement pendant la grossesse

Hyper-sensibilité des mamelons

hypersensibilité mamelonsLes mamans allaitantes découvrent souvent une grossesse suite à des douleurs aux mamelons plus ou moins fortes. Cette sensibilité accrue est d’origine hormonale. Elle survient, selon les femmes, durant et même en dehors des tétées.

Chez certaines futures mamans, un des symptômes d’une grossesse est « les seins et/ou tétons douloureux ». Ce symptôme existe donc déjà pour certaines femmes enceintes. Il est donc évident qu’il en va de même chez certaines mamans enceintes et allaitantes. Des mamans notent une douleur très forte voir intolérable et d’autres énoncent une gêne. La douleur peut être constante ou survenir à certains moments de la journée.

Une fois de plus, retenez que chaque trio maman-bébé-fœtus est différent !

 

Diminution de la lactation

Diminution de la lactation

La quantité de lait produite par maman peut baisser. C’est une baisse d’ordre hormonale. L’hypothèse émise sur les causes de cette baisse : « L’augmentation de la progestérone pendant la grossesse rend les alvéoles perméables et fuyantes, elles ne conservent plus le lait correctement. »7

Cette baisse de la lactation peut devenir problématique pour un aîné de moins de 6 mois, exclusivement nourri au sein. Pour un enfant diversifié de moins d’un an, le lait maternel reste son alimentation principale. Il est donc important d’être à l’écoute de bébé et si nécessaire d’en parler avec un professionnel de santé afin de le complémenter avec un lait adapté (si besoin est). Enfin si votre bambin a plus d’un an, cette diminution de production du lait maternel est moins problématique.

En 1977, le Docteur Niles Newton étudia plus de 500 femmes membres de La Leche League qui se retrouvèrent enceintes alors qu'elles allaitaient toujours8. 65% des femmes notèrent une baisse de leur production de lait. Cette proportion de mamans stipulant la diminution de leur production de lait maternel n’est pas anodine. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’il vous faudra sevrer votre enfant. Comme vous le savez déjà, les tétées sont multiples. Il y a les tétées qui rassurent, celles qui confortent, celles qui câlinent, celles qui soulagent, ….

Une fois de plus, écoutez-vous, vivez l’instant et avisez !

 

Changement de goût et de composition du lait maternel

lait maternel

Le corps se prépare à accueillir un nouvel être. Tout au long de la grossesse, le goût du lait maternel va changer tout comme votre corps. Le lait serait plus salé en début de grossesse pour se transformer en colostrum les derniers mois de grossesse.

Certains bébés ne seront pas dérangés par ces changements de goût quand d’autres peuvent se désintéresser de l’allaitement pour un jour ou pour toujours.

 

Mon expérience personnelle

Je suis tombée enceinte de ma fille en Mars 2016 ; alors que mon aîné avait 15 mois. Je ne me suis même pas posée la question du possible ou de l’impossible. Je ne me suis pas informée sur la faisabilité d’allaiter en étant enceinte. Je n’ai ni consulté un professionnel de santé ni demander à qui que ce soit un avis ou un retour d’expérience.

C’est d’ailleurs ma façon d’être au quotidien. « Je me lance et on verra bien ». Tout s’est bien passé jusqu’à mon 7ème mois de grossesse. J’ai alors eu de nombreuses contractions utérines, douloureuses et rapprochées. Je suis allée aux urgences. Ils ont fait le nécessaire pour stopper le travail. Je suis restée 3 jours à l’hôpital. Mon mari ramenait mon aîné pour que je l’allaite. Et là, le drame ! En voyant ça, le gynécologue m’a dit que j’étais inconsciente des risques. Et que j’allais devoir choisir entre poursuivre l’allaitement au risque d’accoucher prématurément et avoir un nouveau-né qui ne survivrait peut-être pas où stopper l’allaitement. Ses mots m’ont choqué, blessé. Je ne sais pas combien de larmes j’ai versé suite à ces propos. Et c’est à ce moment précis où j’ai étudié la littérature scientifique. J’en ai conclu qu’il n’existait aucune corrélation ! Bien d’autres facteurs auraient pu ici être pris en considération par le corps médical : mon diabète gestationnel, mes nombreux déplacements professionnels, mon rythme de vie intense avec un enfant en bas âge … Je suis rentrée chez moi. J’ai cessé les déplacements professionnels. Je me suis reposée et j’ai continué à allaiter mon grand garçon. J’ai finalement accouché quelques jours avant le terme. Nous avons ensuite tous les trois expérimenté le co-allaitement.

Aujourd’hui, je suis enceinte et j’allaite mon bébé de 18 mois. Tout se passe bien pour le moment. J’ai eu quelques douleurs aux seins et mamelons, qui n’ont pas duré ! Depuis 2 semaines, je ressens lors de certaines tétées, une légère douleur et parfois une gène au niveau des mamelons. La zone est souvent très sensible.

Aussi, je l’entends quelques fois téter dans le vide, ça n’a pas du tout l’air de le déranger et moi non plus. Nous allons donc poursuivre l’allaitement tout en nous écoutant !

Et bien évidement, je continue d'utiliser ma cape d'allaitement dès que je suis à l'extérieur, en famille, ou autre. Je vous laisse découvrir mon indispensable de l'allaitement.

 

Mes 3 conseils pour allaiter durant sa grossesse en toute sérénité

conseilsÊtre enceinte tout en allaitant son aîné est bel et bien possible. Il est important de vous écouter et de communiquer avec votre enfant. Vivez l’instant et choisissez ce qui est le mieux pour vous et votre enfant. Ne cherchez pas à vous comparer car chaque trio maman / bébé / fœtus est différent.

Sachez également qu’il est possible de poursuivre l’allaitement de votre aîné après la naissance de votre nourrisson. Découvrez le co-allaitement à travers cette publication Instagram. 

Disclaimer : cet article a été rédigé par mes soins. Je vous rappelle que je ne suis pas une professionnelle de santé et que vous devez TOUJOURS passer par votre sage-femme, consultante en lactation, médecin généraliste, pédiatre ou autre professionnel de santé. Sachez également que d’autres études seront probablement réalisées sur l’allaitement pendant une grossesse. Il est donc important de se renseigner régulièrement sur les éventuelles évolutions. Il s'agit ici du fruit de mes propres recherches. Ci-dessous les sources utilisées (liste non exhaustive).

 

Les sources de l’article :

A Comparative study of breastfeeding during pregnancy : Impact on maternal and newborn outcomes. Madarshahian, F. and Hassanabadi, M.J Nursing Research ; 20(1) : 74–80, 2012.

2 M. Effect of breastfeeding during pregnancy on the occurrence of miscarriage and preterm labour. Albadran, Maysara. Iraqi Journal of Medical Sciences, 2013.

Does breastfeeding induce spontaneous abortion? Ishii, H. : 864–868, 2009.

4 Expression of oxytocin receptor in human pregnant myometrium. Kimura, T. et al  : 780–785, 1996.

5 "Maternal and fetal responses to the stresses of lactation concurrent with pregnancy and short recuperative intervals", Merchant, Martorell et Hasse, Am J Clin Nutr 52 : 280-88, 1990.

6 L'alimentation infantile. Bases physiologiques, supplément au Bulletin de l'OMS, vol. 67, 1989, p. 53.

7 "Tight junction regulation in the mammary gland". Flower, 2003 citant Nguyen and Neville, 1998.

8 "Breastfeeding during pregnancy in 503 women : does a psychobiological weaning mechanism exist in humans ?, Newton, N. and Theotokatos, M., Emotion and Reproduction 1979 ; 20B : 845-49.

27 avril, 2023 — Sonia MANNOUBI

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